Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/273

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Maintenant, n’allez pas croire que ce soit du roman que nous faisons ici. C’est je ne dirai pas de la belle et bonne histoire, mais de la laide et triste histoire.

Si vous en doutiez, faites-vous représenter le rapport que MM. Thouret et Brière de Valigny, substituts du procureur impérial, faisaient au mois de juin 1815, sur toute cette affaire, à une des chambres du tribunal de première instance de la Seine.

Quand Napoléon ne serait revenu que pour nous ramener avec lui cette pièce officielle, ce serait presque assez pour excuser son retour.

On introduisit M. de Maubreuil dans le cabinet de M. de Talleyrand. Roux-Laborie le fit alors asseoir dans le propre fauteuil du prince et lui dit :

— Vous êtes impatient de retrouver votre position, de refaire votre fortune perdue ; il dépend de vous d’obtenir encore au delà de ce que vous pouvez désirer.

— Que me faut-il faire ? demanda Maubreuil.

— Vous avez du courage, de la résolution : débarrassez-nous de l’empereur. Lui mort, la France, l’armée, tout est à nous, et l’on vous donne deux cent mille livres de rente ; on vous fait duc, lieutenant général et gouverneur d’une province[1].

— Je ne vois pas trop comment je pourrais réussir.

— Rien de plus facile.

— Voyons.

— Écoutez.

— J’écoute.

— Il est impossible que, d’ici à deux jours, il n’y ait pas une grande bataille. Prenez cent hommes déterminés à qui vous donnerez des uniformes de la garde, mêlez-vous avec eux aux troupes de Fontainebleau, et il vous sera facile, soit

  1. Quand on écrit de pareilles choses, mieux valent deux autorités qu’une seule. Outre le rapport de MM. Thouret et Brière de Valigny, voyez Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, t. II, p. 15.