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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/285

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Français, je ne suis pas un misérable voleur, comme on veut vous le faire croire. Français ! je vous appelle tous à mon secours. Non, je ne suis pas un voleur ! non, je ne suis pas un assassin ! J’ai accepté, au contraire, une mission pour sauver la vie à Napoléon et à sa famille. Il est vrai que, dans la première exaltation de mon enthousiasme royaliste, j’ai, le 31 mars, attaché avec beaucoup d’autres la corde au cou de la statue de Napoléon pour la faire descendre de la colonne sur la place Vendôme ; mais, je le reconnais ici publiquement, je servais une cause ingrate. Si j’ai fait du mal en effigie à Napoléon, je lui ai fait du bien en réalité. Non, je ne suis pas un assassin ! Français, c’est mon honneur que je vous lègue. Vous ne serez pas insensibles à mes invocations.

» On essaye de nouveau de faire taire M. de Maubreuil ; mais plus on essaye de le faire taire, plus il élève la voix.

» — J’ai accepté, continue-t-il, une mission pour sauver la vie à Napoléon, à sa famille et à son fils ; il est vrai encore que, séduit, égaré, engagé à le faire, j’ai été assez malheureux pour attacher la croix de la Légion d’honneur à la queue de mon cheval ; je m’en repens amèrement. Je la reprends aujourd’hui, cette croix des braves : la voici à ma boutonnière ; je l’ai bien gagnée ; je l’ai méritée en Espagne.

» Ici, le sieur Maubreuil succombe aux efforts qu’on fait pour éteindre sa voix. Pendant tout le temps qu’a duré son discours, le président et les juges lui ont vainement imposé silence ; vainement le président a crié :

» — Qu’on l’emmène, gendarmes, qu’on l’emmène ! Gendarmes, faites votre devoir !

« Maubreuil s’est débattu, Maubreuil s’est cramponné à la balustrade, et, presque étouffé par les gendarmes, il criait encore :

» — Monsieur le président, je vous respecte infiniment ; mais vous avez beau dire, vous avez beau faire, on voulait assassiner l’empereur, et je n’ai accepté la mission qui me conduit ici que pour le sauver !

» Le bruit, les rumeurs, le scandale étaient grands dans l’auditoire. Beaucoup de Vendéens, parents et amis de l’ac-