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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/289

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

sion[1] ; bien plus, l’empereur Alexandre m’a offert ses propres chevaux ; mais, je le répète, si j’ai accepté la mission qu’on me reproche, c’était pour sauver l’empereur et sa famille.

» Ici, on force de nouveau Maubreuil à se taire, et les gendarmes, en pesant sur ses épaules, le forcent de se rasseoir sur son banc.

» Alors, maître Couture, son avocat, se lève, adresse de nouveau la parole au procureur du roi, et lui demande en grâce de ne pas faire attention aux paroles insensées de son client.

» — Hélas ! s’écrie-t-il, l’homme que vous voyez devant vous, monsieur, ce n’est plus M. de Maubreuil, ce sont les restes, c’est l’ombre de M. de Maubreuil. Une détention de trois ans, pendant lesquels trois cent quatre-vingt-dix jours au secret, sans communiquer avec personne, pas même avec son conseil, a dérangé sa raison. Ce n’est plus qu’un homme en ruine. Par humanité, ne lui tenez pas compte d’un discours qui peut le perdre !

» Les juges, très-embarrassés de ce qu’ils venaient d’entendre, quoiqu’ils n’eussent à résoudre que les simples questions de compétence ou de non-compétence de leur tribunal, renvoient le jugement à mardi prochain, 22 avril.

» Ce délai est peut-être pris, assure-t-on dans l’audience, pour recevoir les instructions du château, et agir conformément à ces instructions. «

Audience du 22 avril.

« Maubreuil est amené. À peine sur les bancs des accusés, il repousse violemment les gendarmes en s’écriant :

« — Gendarmes, vous n’avez pas le droit de me maltraiter ;

  1. Comme on le voit, selon Maubreuil, ce serait à M. de Talleyrand lui-même qu’il aurait eu affaire. Nous n’avons pas voulu adopter l’accusation tout entière, et, dans notre récit, nous avons accepté l’intermédiaire de Roux-Laborie.