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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/292

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


LVIII


Le dernier coup de fusil de Waterloo. — Esprit des provinces en 1817, 1818 et 1819. — Les Messéniennes. — Les Vêpres siciliennes. — Louis IX. — Appréciation de ces deux tragédies. — Un vers de Térence. — Quelle part j’ai droit de prendre à ce vers. — Trois heures du matin. — Topographie amoureuse. — Valeat res ludicra.

Je ne sais qui a dit — peut-être est-ce moi — que la révolution de 1830 était le dernier coup de fusil de Waterloo.

C’est une grande vérité.

À part ceux qui avaient un intérêt de race, de position, ou de fortune, ressortant de la royauté bourbonienne, il est impossible de se faire une idée du sentiment d’opposition, toujours croissante, qui se manifestait en province ; c’était au point que, sans savoir pourquoi, malgré tous les motifs que nous avions de maudire Napoléon, ma mère et moi, nous en étions arrivés à haïr bien davantage encore les Bourbons, qui ne nous avaient jamais rien fait, ou qui même nous avaient plutôt fait du bien que du mal.

C’est qu’aussi tout concourait à cette dépopularisation de la branche régnante : l’envahissement du territoire français par l’ennemi ; la honte des traités de 1815 ; l’occupation de trois ans qui avait suivi la seconde rentrée des Bourbons ; les réactions du Midi ; Ramel assassiné à Toulouse ; Brune massacré à Avignon ; Murat, toujours populaire, malgré son ineptie et sa trahison, fusillé au Pizzo ; les proscriptions de 1816 ; les défections, les hontes, les marchés infâmes révélés chaque jour ; les chansons d’Émile Debraux, les chants de Béranger, les Messéniennes de Casimir Delavigne, les tabatières à la Charte, les Voltaire-Touquet, les Rousseau de tous les formats, les vers inédits dans le genre de ceux que j’ai cités ; les anecdotes vraies ou fausses attribuées au duc de Berry, et dans lesquelles les vieilles gloires de l’Empire étaient toujours sacrifiées à quelque jeune ambition aristocratique ; tout, jusqu’à ce roi avec ses guêtres noires, son habit bleu à boutons d’or,