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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/291

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dernier moment je crierai : On m’a demandé le sang de Napoléon ! les Bourbons sont des assassins !…

» Ces paroles sont prononcées par l’accusé, tout en se débattant avec les gendarmes ; qui l’emmènent de force. »

Ici s’arrête le récit du sténographe, récit auquel je n’ai pas changé un mot, récit que j’ai là sous les yeux, certifié conforme.

Le 18 décembre suivant, Maubreuil comparaissait devant la cour d’assises de Douai, et parvenait à s’échapper avant le jugement.

Le 6 mai 1818, un arrêt le condamnait, par contumace, à cinq ans de prison, et à cinq cents francs d’amende, comme dépositaire infidèle.

Maubreuil, réfugié en Angleterre, rentra tout exprès pour donner à M. de Talleyrand, sur les marches de l’église de Saint-Denis, pendant la cérémonie funèbre de Louis XVIII, ce terrible soufflet qui le renversa.

— Ah ! quel coup de poing ! s’écria le prince en se relevant.

Qu’on nie maintenant la présence d’esprit de M. de Talleyrand !

M. Dupin n’aurait pas dit mieux.

Cette affaire Maubreuil, si obscure, si étrange, si mystérieuse, fit le plus grand tort aux Bourbons de la Restauration.

Elle fut, pour M. le comte d’Artois et M. de Talleyrand, ce que l’affaire du collier fut pour Marie-Antoinette et le cardinal de Rohan, c’est-à-dire une de ces sources cachées où les révolutions puisent des armes pour l’avenir ; armes d’autant plus dangereuses, d’autant plus terribles, d’autant plus mortelles, que, la plupart du temps, elles sont trempées au poison de la calomnie.