Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Adèle et moi, deux ou trois fois par semaine, dans le pavillon où sa mère lui avait, à notre grande joie à tous deux, permis d’établir son nouveau domicile.

Cette obligation pour elle de me venir ouvrir la porte de l’allée, cette obligation pour moi de passer devant la porte à coucher de sa mère, présentaient de telles difficultés, que j’avais rêvé longtemps à un autre moyen de parvenir jusqu’à elle.

Ce moyen, à force d’y rêver, je l’avais trouvé.

En examinant bien la topographie des environs, j’avais avisé, à trois portes de la maison d’Adèle, une porte d’allée donnant sur une espèce de passage, lequel donnait lui-même dans une espèce de jardin. Un mur et deux haies séparaient ce jardin de celui d’Adèle.

De son jardin, où j’avais libre entrée, le jour, j’étudiai soigneusement les localités, et je vis que toute la difficulté était d’ouvrir la porte de la rue, de traverser le passage, de pénétrer dans le jardin, de franchir le mur et d’enjamber les deux haies.

Après quoi, je venais frapper au contrevent ; Adèle m’ouvrait, et tout était dit.

Mais, comme je l’ai fait remarquer, il s’agissait d’ouvrir la porte, et de traverser le passage.

La porte fermait à clef, et le passage était, la nuit, gardé par un chien moins dangereux par sa taille, et par la lutte qu’il pouvait livrer, que par le bruit qu’il pouvait faire.

Tout cela fut l’affaire de huit nuits : une nuit, pour m’assurer, au milieu des aboiements de Muphti, — le chien s’appelait Muphti, — une nuit, dis-je, pour m’assurer, au milieu de ces aboiements, que la serrure ne fermant qu’à un tour, je pouvais ouvrir cette porte avec la pointe de mon couteau ; sept autres, pour faire connaissance avec Muphti, que je séduisis peu à peu, en lui passant par-dessous la porte des croûtes de pain et des os de poulet.

Les deux ou trois dernières nuits, Muphti, habitué à l’aubaine que je lui réservais, impatient de mon arrivée, m’attendait longtemps d’avance, me sentant venir à vingt pas, et,