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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/306

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

à mon approche, grattant de ses deux pattes la porte, et se plaignant tendrement que cet obstacle nous séparât.

Le huitième jour, ou plutôt la huitième nuit, convaincu que j’avais dans Muphti, non plus un adversaire, mais un complice, j’ouvris la porte, et, selon mes prévisions, Muphti, tout joyeux de se trouver en rapport plus direct avec un homme qui lui transmettait de si succulents reliefs, Muphti sauta après moi en me donnant les signes d’une amitié à laquelle je ne pouvais faire qu’un reproche, c’était de se manifester d’une façon trop bruyante.

Cependant, comme tout enthousiasme se calme, l’enthousiasme de Muphti se calma, et, passant aux témoignages d’une affection plus douce, me permit de me hasarder plus avant.

j’avais choisi, pour cette première tentative d’effraction et d’escalade, une de ces sombres nuits d’automne dont la lune est complètement absente ; j’avais le pied léger, l’oreille active ; j’avançai sans faire crier un seul grain de sable sous mes pieds.

Derrière moi, il me sembla qu’on ouvrait une porte ; je précipitai le pas, je gagnai un grand carré de haricots à rames, dans lequel je me précipitai comme Gulliver dans son champ de blé, et, là, Muphti caché entre mes jambes, son cou maintenu entre mes deux mains, afin d’avoir la faculté d’intercepter le moindre cri qu’il lui prendrait l’envie de pousser, j’attendis.

C’était en effet un des habitants du passage ; il avait entendu du bruit. Pour savoir qui avait causé ce bruit, il fit un tour dans le jardin, passa à deux pas de moi sans me voir, toussa en homme qui commence à s’enrhumer, et rentra chez lui.

Je lâchai Muphti ; je m’élançai aux espaliers, je sautai de l’autre côté du mur, je franchis les deux haies, et je courus au contrevent.

Mais je n’eus pas besoin de frapper. Avant de l’atteindre, j’entendis un souffle, je vis une ombre, je sentis deux bras étendus qui m’enlacèrent tout tremblants, et m’entraînèrent dans le pavillon, dont la porte se referma sur nous.

Oh ! si j’eusse été poëte à cette époque, les adorables vers