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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/38

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

immense ambition de devenir notaire, tout fils de chaudronnier qu’il était.

À trois heures du matin, le chant du rouge-gorge, sautillant dans les buissons, nous annonça le jour, comme il nous avait annoncé la nuit ; puis vint le chant du merle, puis celui des mésanges, puis celui des geais.

Chaque oiseau semble avoir son heure où il s’éveille et parle à Dieu.

Je ne me rappelle pas avoir jamais fait ni vu faire une rafle d’oiseaux pareille à celle que nous fîmes ce jour-là. Nous comptâmes les geais, les merles et les grives par dix ; les rouges-gorges, les fourgons, les mésanges et les fauvettes, par vingt, trente, quarante ; enfin, nous rentrâmes dans la ville pliant sous le poids de notre chasse.

Trois jours après, Auguste Lafarge repartit pour Paris. Ses séductions avaient échoué. Il était venu à Villers-Cotterets pour demander en mariage mademoiselle Picot, et avait été refusé.

Cette nuit qu’il avait passée à mes côtés, à rêver je ne savais à quoi, ce n’était ni à l’ambition ni à l’amour, c’était à la vengeance.

Il confectionnait une épigramme.

Cette épigramme, il me la remit comme à vingt autres personnes, au moment de son départ.

La voici :

La fière Éléonor compte avec complaisance
Les nombreux soupirants qui briguèrent sa main,
Et que sa noble indifférence
Paya toujours d’un froid dédain.
Pourtant, à ces discours que votre esprit résiste ;
S’il en fut un ou deux tentés par ses ducats,
Un volume in-quarto contiendrait-il la liste
De tous ceux qui n’en voudraient pas ?

L’épigramme était-elle bonne, était-elle mauvaise ? Je n’en sais rien, et je laisserai la chose à décider à l’Académie, qui se connaît en ces sortes de matières, puisqu’elle a reçu M. de Sainte-Aulaire pour un quatrain. Mais ce que je sais bien, c’est