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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/73

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Une paire de pistolets à deux coups, tout chargés.

Je compris. À l’aide de ces pistolets, les prisonniers pouvaient peut-être fuir, ou tout au moins, dans un cas désespéré, se brûler la cervelle.

— Maman, lui dis-je, il me semble qu’au lieu de porter un paquet qui peut être vu, et par conséquent être confisqué, je ferais bien mieux de mettre un pistolet dans chacune des poches de mon pantalon.

— Mais si tu allais te blesser ?

— Oh ! n’aie pas peur ; je connais cela, moi. En un tour de main, je dénouai le paquet et fis jouer, les unes après les autres, les gâchettes des quatre batteries, en digne élève de Montagnon.

— Allons, dit ma mère à peu près rassurée par la preuve de dextérité que je venais de lui donner ; allons, je crois que tu as raison ; mets les pistolets dans ta poche, et prends garde que les crosses ne passent. Maintenant, voici un petit rouleau.

Ce rouleau me rappela le fameux étui dont l’enveloppe avait été margée par une taupe.

— Ah ! ça, c’est de l’or ? m’écriai-je.

— Oui, dit ma mère. Il y a cinquante louis dans ce rouleau. Prends bien garde de le perdre, car, si les prisonniers n’acceptent pas cet argent, je dois le rendre à celui qui l’a donné.

— Attends, attends ! je vais mettre le rouleau dans le gousset de ma montre.

Je n’avais pas de montre, mais j’avais un gousset. Je fourrai le rouleau dans mon gousset, et rabattis mon gilet par-dessus.

Heureusement, dans la prévision que j’engraisserais et que je grandirais, ma pauvre mère me faisait toujours faire des vêtements trop longs et trop larges.

Les pistolets pouvaient donc tenir dans mes poches, et le rouleau d’or dans mon gousset, sans que je parusse par trop bosselé.

— Et maintenant, dis-je, me voilà prêt.

Ce fut alors que le courage parut manquer à ma mère.