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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/78

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Merci, mon enfant, dit-il ; Décidément ; nous allons dormir. Bonsoir.

— Bonsoir, général.

Et je sortis de la pistole.

Une demi-heure après, ma mère vint me chercher. J’embrassai Charles, je remerciai le père Richard, et je courus me jeter au cou de ma mère.

— Eh bien ? dit-elle.

— Eh bien, ma mère, il a tout refusé.

— Comment, il a tout refusé ?

— Oui.

— Et qu’a-t-il dit ?

— Il a dit que l’empereur serait à Paris avant qu’on l’ait fusillé, lui et ses compagnons.

— Dieu le veuille ! dit ma mère.

Et elle m’emmena.

Le lendemain, au point du jour, nous partîmes.

On rendit les cinquante louis à qui les avait donnés ; mais, en mémoire du courage que j’avais déployé dans l’expédition, on me laissa les pistolets.

C’étaient de magnifiques pistolets à deux coups, montés en argent, et qui joueront, chose étrange ! un grand rôle dans cette même ville de Boissons, en 1830.

Le général Lallemand ne s’était pas trompé. La marche de Napoléon fut si rapide, qu’elle devança l’issue du procès. D’ailleurs, les juges eux-mêmes n’étaient peut-être point fâchés de traîner un peu en longueur, pour mettre à couvert leur responsabilité.

Le 21 mars, à six heures du matin, un courrier passait à franc étrier à Villers-Cotterets. À peine faisait-il jour, et cependant bon nombre de personnes attendaient déjà à la porte pour avoir des nouvelles.

Tout le monde s’empressa autour du courrier, qui changeait de cheval.

— Eh bien ? lui demanda-t-on, eh bien ?…

— Eh bien, messieurs ; dit-il, Sa Majesté l’empereur et roi a fait son entrée aux Tuileries hier, à huit heures du soir.