Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Nous nous embrassâmes.

— Que diable faites-vous donc là-bas ?… demanda le duc Decazes, qui voyait cette accolade, et qui ne pouvait s’en rendre compte.

— Rien, répondis-je, rien, une misère qui s’est passée autrefois entre le général Lallemand et moi.

Puis, me retournant vers le général :

— Général, lui dis-je, qui nous aurait prédit, le 14 mars 1815, à huit heures du soir, que nous dînerions un jour ensemble à la table de M. Decazes, grand référendaire de la Chambre des pairs, Louis-Philippe régnant ?…

— Ah ! mon cher, dit le général en levant les épaules, nous en verrons encore bien d’autres, allez !


XXXVII


Napoléon et les alliés. — Passage de l’armée française et de l’empereur par Villers-Cotterets. — Les messagers de malheur.

Comme l’avait dit le courrier, Sa Majesté l’empereur et roi était rentré aux Tuileries le 20 mars à huit heures du soir, jour de la naissance du roi de Rome.

Superstitieux comme un ancien, Napoléon voulait avoir pour lui les présages.

Celui-là était bien incomplet sans doute : il rentrait aux Tuileries le jour de la naissance du roi de Rome ; mais où était-il, cet enfant couronné qui devait lui coûter à Sainte-Hélène tant de cris paternels ?

Hélas ! le soir même du jour où je l’avais vu à travers les grilles du Carrousel, il était parti pour ne plus revenir ; on avait relégué, dans un coin du garde-meuble, son berceau vide. Cet homme qui venait, en vingt jours, de reconquérir, et d’une façon si miraculeuse, trente-deux millions d’hommes, cet homme cherchait inutilement, parmi toutes ces têtes qui lui étaient indifférentes, la tête chérie de son enfant.

Cette tête devait pâlir et s’incliner loin de lui ; Schœnbrünn