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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/88

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pîtal ; les autres sont déposés à la prison, qui touche à la mairie.

Il est à peu près trois ou quatre heures de l’après-midi : en quarante-huit heures, ces hommes sont venus de Planchenoit.

C’est plus d’une lieue et demie à l’heure qu’ils ont faite. Ainsi les courriers de malheur ont des ailes.

Une fois qu’on a vu les uns entrer à l’hôpital, les autres en prison, chacun s’éparpille et va répandre le bruit sinistre de son côté.

Comme c’est toujours à la poste qu’on aura les nouvelles les plus sûres, nous courons, ma mère et moi, à la poste, et nous nous y installons.

À sept heures, un courrier arrive ; il est couvert de boue, son cheval frissonne de tous ses membres et est prêt à tomber de fatigue.

Il commande quatre chevaux pour une voiture qui le suit, puis il saute à cheval et se remet en route.

On l’a interrogé vainement : il ne sait rien ou ne veut rien dire.

On tire les quatre chevaux de l’écurie, on les harnache, on attend la voiture.

Un grondement sourd et qui se rapproche rapidement annonce qu’elle arrive.

On la voit apparaître au tournant de la rue, elle s’arrête à la porte.

Le maître de poste s’avance et demeure stupéfait. En même temps, je le prends par le pan de son habit :

— C’est lui ? c’est l’empereur ?

— Oui.

C’était l’empereur, à la même place où je l’avais vu, dans une voiture pareille, avec un aide de camp auprès de lui et un autre en face.

Mais ceux-là ne sont plus ni Jérôme ni Letort.

Letort est tué ; Jérôme a mission de rallier l’armée sous Laon.

C’est bien le même homme, c’est bien le même visage, pâle, maladif, impassible.