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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/97

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Laon, et, avant trois jours, on entendra le canon de quelque nouveau Montmirail.

Aussi, lui envoie-t-on le général Becker pour le garder.

Rassurez-vous ! c’est bien à la Malmaison qu’il va. Tout ce qu’il désire, ce vaincu, c’est un bâtiment bon voilier ; qui le conduise vite en Amérique. Il a hâte de la vie privée, et sera citoyen de New-York ou de Philadelphie ; il se fera planteur, défricheur, laboureur.

Sire, il y a eu de quoi faire en vous un consul, un empereur, un roi, mais il n’y a pas en vous de quoi faire un Cincinnatus.

Ils le savent si bien, ces hommes qui se sont faits gouvernement à votre place, qu’ils expédient ordre sur ordre pour que vous partiez. Tant que vous serez à la Malmaison, il n’y aura rien de certain pour les Bourbons, avec lesquels ils ont déjà traité.

Et cependant ils ont tort ; que fait l’empereur à la Malmaison ? Les pieds sur l’appui de la fenêtre, il lit Montaigne.

Tout à coup, on entend un grand bruit, les tambours battent.

Les fanfares des instruments de cuivre résonnent ; l’air retentit des cris de « Vive l’empereur ! à bas les Bourbons ! à bas les traitres ! »

— Qu’est-ce que cela, Montholon ? demande l’empereur.

— Sire, c’est la division Brayer : vingt mille hommes qui reviennent de la Vendée ; ils sont arrêtés devant les grilles du château.

— Que veulent-ils ?

— Ils veulent qu’on leur rende leur empereur, et, si on ne leur rend pas, ils déclarent qu’ils viendront le prendre.

L’empereur reste un instant pensif ; sans doute, il calcule qu’avec, les quatre-vingt mille hommes de Soult, les vingt mille hommes de Brayer, les cinquante mille fédérés, les trois millions de gardes nationaux, il y a encore une belle défense, une belle lutte à soutenir.

On annonce que le général Brayer demande à parler à l’empereur.

— Faites entrer.