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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/102

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

très-habilement faite par le docteur Lécosse, et, comme ma mère avait eu les plus grands soins de lui pendant toute la durée de la maladie produite par cet accident, il nous portait dans son cœur, ma mère, ma sœur et moi.

C’était donc toujours avec un grand plaisir qu’il me voyait arriver, soit comme messager de maître Mennesson, son notaire, quand j’étais chez maître Mennesson, soit pour mon propre compte.

Celle fois, c’était pour mon propre compte.

Je lui exposai le motif de ma visite.

Lorsque le général Foy s’était mis sur les rangs pour la députation, les électeurs ne voulaient pas le nommer ; mais M. Danré avait soutenu sa candidature, et, grâce à l’influence de M. Danré dans le département, le général Foy avait été élu.

On sait l’ascendant que l’illustre patriote avait pris à la Chambre.

Le général Foy n’était pas un orateur éloquent ; c’était bien mieux que cela : c’était un cœur ardent, prêt à se mouvoir au souffle de toutes les nobles passions. Pas une haute question n’a passé devant lui, pendant tout le temps qu’il est resté à la Chambre, qu’il n’ait soutenu cette question, si elle était honorable, qu’il ne l’ait combattue, si elle était douteuse ; il avait, à la tribune, des mots terribles, des ripostes de duel, des coups droits, presque toujours mortels à ses adversaires. Au reste, comme tous les hommes de cœur, il usa sa vie à cette lutte, la plus incessante et la plus acharnée de toutes : elle le tua en l’immortalisant.

Le général Foy, en 1823, était à l’apogée de la popularité, et, de ce faîte où il était parvenu, il donnait de temps en temps à M. Danré des signes de vie, lesquels prouvaient à l’humble fermier, qui, comme Philoctète, avait fait des souverains, mais n’avait pas voulu l’être, qu’il lui avait gardé une vive et reconnaissante amitié.

M. Danré ne répugna donc aucunement à me donner la lettre que je lui demandais : elle était des plus pressantes.

Puis, la lettre écrite, signée, cachetée, M. Danré s’informa de mes ressources pécuniaires. Je les lui mis sous les yeux,