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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/103

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ainsi que les moyens ingénieux à l’aide desquels j’étais arrivé à ce résultat.

— Ma foi, dit-il, j’avais bien envie de t’offrir ma bourse ; mais, en vérité, ce serait gâter l’ensemble de tes opérations. On n’arrive pas où tu es pour échouer ; tu dois réussir avec tes cinquante francs, et je ne veux pas t’ôter le mérite de tout devoir à toi seul. Va donc en paix et avec courage ! Si tu as absolument besoin de mes services, écris-moi de Paris.

— Ainsi vous avez bon espoir ? dis-je à M. Danré.

— Excellent !

— Venez-vous jeudi à Villers-Cotterets ?

Le jeudi était le jour du marché.

— Oui ; pourquoi cela ?

— Parce que je vous prierais, en ce cas, de faire partager cet espoir à ma mère ; elle a une grande croyance en vous, et, comme chacun s’acharne à lui dire que je ne ferai jamais rien…

— Le fait est que tu n’as pas fait grand’chose, jusqu’à présent !

— Parce qu’on a voulu me pousser dans une voie qui n’était pas la mienne, cher monsieur Danré ; mais vous verrez que, lorsqu’on me laissera faire librement ce à quoi je suis destiné, vous verrez que je deviendrai un grand travailleur.

— Prends garde ! je m’y engagerai en ton nom vis-à-vis de ta mère.

— Vous le pouvez, je vous en réponds !

Le surlendemain, comme il était convenu, M. Danré vint à Villers-Cotterets, et vit ma mère. Je guettai son entrée ; je laissai engager la conversation, et j’entrai à mon tour.

Ma mère pleurait, mais paraissait décidée.

En m’apercevant, elle me tendit la main.

— Tu es donc résolu à me quitter ? dit-elle.

— Il le faut, ma mère ; d’ailleurs, sois tranquille, si nous nous quittons cette fois-ci, ce ne sera pas pour longtemps.

— Oui, parce que tu échoueras, et que tu reviendras à Villers-Cotterets.