Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Pardon, monsieur, lui dis-je ; mais je crois m’être trompé…

— Que désirez-vous, monsieur ? demanda l’homme à la palette.

— Présenter mes hommages au général Verdier.

— En ce cas, entrez ; c’est ici.

J’entrai, et, après avoir traversé un petit carré servant d’antichambre, je me trouvai dans un atelier.

— Vous permettez, monsieur ? dit le peintre en se remettant à un tableau de bataille dans la confection duquel je l’avais interrompu.

— Sans doute ; seulement, auriez-vous la bonté, monsieur, de m’indiquer où je trouverai le général ?

Le peintre se retourna.

— Le général ! quel général ?

— Le général Verdier.

— Pardieu ! c’est moi.

— Vous ?

J’arrêtai mon regard sur lui avec un air de surprise si marqué, qu’il se mit à rire.

— Cela vous étonne de me voir manier si mal le pinceau, dit-il, après avoir entendu dire peut-être que je maniais assez bien le sabre ? Que voulez-vous ! j’ai la main tracassière, et il faut toujours que je l’occupe à quelque chose… Maintenant, voyons, comme, évidemment, d’après la question que vous venez de me faire, vous n’avez rien à dire au peintre, que voulez-vous au général ?

— Je suis le fils de votre ancien compagnon d’armes en Égypte, le général Dumas.

Il se retourna vivement de mon côté, me regarda fixement ; puis, après un moment de silence :

— C’est sacredieu vrai ! dit-il, et vous êtes tout son portrait.

En même temps, deux larmes lui vinrent aux yeux, et, jetant son pinceau, il me tendit une main que j’eus plus envie de baiser que de serrer.

— Ah ! vous vous le rappelez donc, vous ?