Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

en faire, voici une palette, des pinceaux et une toile de trente-six.

— Merci, général, je n’ai jamais été plus loin que les yeux ; vous voyez que l’apprentissage serait trop long, et ma mère ni moi ne pouvons attendre.

— Dame ! que veux-tu, mon pauvre ami ! tu connais le proverbe : « La plus belle fille du monde… » Ah ! pardon, pardon ; et puis je me trompe, j’ai encore la moitié de ma bourse, je n’y pensais pas ; il est vrai qu’elle n’en vaut guère la peine.

Il ouvrit le tiroir d’un petit bureau dans lequel il y avait, je me le rappelle, deux pièces d’or et une quarantaine de francs en argent.

— Tiens, dit-il, c’est le reste de mon trimestre.

— Je vous remercie ; général ; je suis à peu près aussi riche que vous.

C’était moi qui avais à mon tour les larmes aux yeux.

— Je vous remercie ; mais vous me guiderez au moins sur les démarches qui me restent à faire.

— Tu as donc déjà fait des démarches ?

— Oui, je me suis mis en course ce matin.

— Ah ! ah ! Et tu as vu ?


— J’ai vu le général Jourdan et le général Sébastiani.

— Peuh !… Eh bien ?

— Eh bien, maréchal, peuh !…

— Et puis après ?

— Et puis après, j’ai écrit hier au ministre de la guerre.

— Á Bellune ?

— Oui.

— Et t’a-t-il répondu ?

— Pas encore ; mais il me répondra, je l’espère.

Le général, tout en glaçant une figure de Cosaque, fit une grimace qui pouvait se traduire par ces mots : « Si tu ne comptes que là-dessus… »

— J’ai encore, ajoutai-je en répondant à sa pensée, j’ai encore une recommandation pour le général Foy, député de mon département.

— Eh bien, mon cher enfant, comme je crois que, si tu as