— Seriez-vous le fils du général Dumas qui commandait l’armée des Alpes ?
— Oui, général.
— On m’a dit que Bonaparte avait été bien injuste pour lui, et que cette injustice s’était étendue à sa veuve ?
— Il nous a laissés dans la misère.
— Puis-je vous être bon à quelque chose ?
— Je vous avoue, général, que vous êtes à peu près mon seul espoir.
— Comment cela ?
— Veuillez d’abord prendre connaissance de cette lettre de M. Danré.
— Ah ! ce cher Danré !… Vous le connaissez ?
— C’était un ami intime de mon père.
— En effet, il habite à une lieue de Villers-Cotterets, où est mort le général Dumas… Et que fait-il, ce cher Danré ?
— Mais il est heureux et fier d’avoir été pour quelque chose dans votre élection, général.
— Pour quelque chose ? Dites pour tout ! fit-il en décachetant la lettre. Savez-vous, continua-t-il tenant la lettre ouverte sans la lire, savez-vous qu’il a répondu de moi aux électeurs corps pour corps, honneur pour honneur ?… Ils ne voulaient pas me nommer ! J’espère que son entêtement ne lui a pas valu trop de reproches. — Voyons ce qu’il me dit.
Il se mit à lire.
— Oh ! oh ! il vous recommande à moi avec instance ; il vous aime donc bien ?
— Mais à peu près comme il aimerait son fils, général.
— Il faut d’abord que je sache à quoi vous êtes bon.
— Oh ! pas à grand’chose !
— Bah ! vous savez bien un peu de mathématiques ?
— Non, général.
— Vous avez, au moins, quelques notions d’algèbre, de géométrie, de physique ?
Il s’arrêtait entre chaque mot, et, à chaque mot, je sentais une nouvelle rougeur me monter au visage, et la sueur ruisseler de mon front en gouttes de plus en plus pressées,