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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/127

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Seriez-vous le fils du général Dumas qui commandait l’armée des Alpes ?

— Oui, général.

— On m’a dit que Bonaparte avait été bien injuste pour lui, et que cette injustice s’était étendue à sa veuve ?

— Il nous a laissés dans la misère.

— Puis-je vous être bon à quelque chose ?

— Je vous avoue, général, que vous êtes à peu près mon seul espoir.

— Comment cela ?

— Veuillez d’abord prendre connaissance de cette lettre de M. Danré.

— Ah ! ce cher Danré !… Vous le connaissez ?

— C’était un ami intime de mon père.

— En effet, il habite à une lieue de Villers-Cotterets, où est mort le général Dumas… Et que fait-il, ce cher Danré ?

— Mais il est heureux et fier d’avoir été pour quelque chose dans votre élection, général.

— Pour quelque chose ? Dites pour tout ! fit-il en décachetant la lettre. Savez-vous, continua-t-il tenant la lettre ouverte sans la lire, savez-vous qu’il a répondu de moi aux électeurs corps pour corps, honneur pour honneur ?… Ils ne voulaient pas me nommer ! J’espère que son entêtement ne lui a pas valu trop de reproches. — Voyons ce qu’il me dit.

Il se mit à lire.

— Oh ! oh ! il vous recommande à moi avec instance ; il vous aime donc bien ?

— Mais à peu près comme il aimerait son fils, général.

— Il faut d’abord que je sache à quoi vous êtes bon.

— Oh ! pas à grand’chose !

— Bah ! vous savez bien un peu de mathématiques ?

— Non, général.

— Vous avez, au moins, quelques notions d’algèbre, de géométrie, de physique ?

Il s’arrêtait entre chaque mot, et, à chaque mot, je sentais une nouvelle rougeur me monter au visage, et la sueur ruisseler de mon front en gouttes de plus en plus pressées,