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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/13

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Voyant que c’était impossible :

— Avez-vous désir de quelque chose ? demanda-t-il à Louvel.

— Monsieur le comte, répondit le condamné, depuis que je suis en prison, je couche sur de très-gros draps ; pour ma dernière nuit, je voudrais bien en avoir de fins.

Ce désir fut accompli. Louvel eut des draps fins, et, dans ces draps fins, dormit d’un sommeil parfaitement tranquille, de neuf heures à six heures du matin.

Le 7, à six heures du soir, il sortit de la Conciergerie ; c’était au moment de ces fameux troubles de juin dont nous dirons un mot tout à l’heure.

Les rues étaient encombrées ; il y avait des spectateurs jusque sur les toits.

Il était coiffé d’un chapeau rond ; il avait un pantalon gris ; une redingote bleue était attachée sur ses épaules.

Les journaux annoncèrent, le lendemain, que ses traits étaient altérés et sa démarche affaiblie.

Il n’en est rien : Louvel était un assassin de la famille des Ravaillac et des Alibaud, c’est-à-dire un homme au cœur robuste. Louvel monta à l’échafaud sans forfanterie, aussi bien que sans faiblesse, et mourut comme meurent les hommes qui ont fait d’avance à une idée le sacrifice de leur vie.

Son cachot était le dernier de la Conciergerie, à droite, au fond du corridor ; c’est le même où ont été enfermés Alibaud, Fieschi et Meunier.

LXIII

Le carbonarisme. — Ses fondateurs. — Son organisation et son but. — La haute vente et le comité directeur. — Conspiration de Béfort.

Disons, à cette date de 1821, quelques mots du carbonarisme, sur lequel, dans ses longues conversations avec moi, Dermoncourt, — cet ancien aide de camp de mon père, dont le nom