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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/12

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Misérable ! s’écria M. de Clermont-Lodève, qui a pu te porter à commettre un pareil crime ?

— Le désir de délivrer la France d’un de ses plus cruels ennemis.

— Qui t’a payé pour accomplir ce crime ?

— Payé ! s’écria Louvel en relevant la tête, payé !

Puis, avec un sourire de dédain :

— Croyez-vous donc, ajouta-t-il, qu’on fasse ces choses-là pour de l’argent ?

Le jugement de Louvel fut déféré à la chambre des pairs.

Le 5 juin, Louvel comparut devant la haute cour. Le lendemain 6, il fut condamné à mort.

Quatre mois avaient été employés à lui chercher des complices, mais on n’avait pu lui en découvrir aucun.

Ramené à la Conciergerie, une heure après le prononcé de l’arrêt, un des gardiens de Louvel s’approcha de lui.

— Vous devriez, dit cet homme au condamné, qui, pendant tout son procès, avait conservé le plus grand calme et même la plus grande mesure, vous devriez, lui dit cet homme, faire demander un prêtre.

— À quoi bon ? demanda Louvel.

— Mais pour tranquilliser un peu votre conscience.

— Oh ! ma conscience est tranquille, et me dit que j’ai fait ce que je devais faire.

— Votre conscience peut se tromper. Croyez-moi donc, réconciliez-vous avec Dieu : c’est un conseil que je vous donne.

— Et, si je me confesse, croyez-vous que cela me mènera en paradis ?

— Peut-être ! la miséricorde du Seigneur étant infinie.

— Le prince de Condé, qui vient de mourir, croyez-vous qu’il y soit, en paradis ?

— On doit le croire, c’était un prince si parfaitement bon !

— En ce cas, j’ai envie d’aller l’y rejoindre ; cela m’amuserait bien de faire enrager ce vieil émigré.

La conversation fut interrompue par M. de Sémonville ; celui-ci venait visiter le prisonnier pour tirer de lui quelques aveux.