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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/130

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Jusqu’à présent, la somme du mal et du bien s’était répartie sur moi d’une manière assez impartiale.

La lettre que j’allais décacheter devait définitivement faire pencher la balance de l’un ou de l’autre côté.

Le ministre me répondait que, n’ayant pas le temps de me recevoir, il m’invitait à lui exposer par écrit ce que j’avais à lui dire. Décidément, le plateau du mal l’emportait.

Je lui répondis que l’audience que je lui demandais n’avait d’autre but que de lui remettre l’original d’une lettre de remercîment qu’il avait autrefois écrite à mon père, son général en chef, mais que, ne pouvant avoir l’honneur de le voir, je me contentais de lui en envoyer la copie.

Pauvre maréchal ! je le revis depuis ; il fut, alors, aussi affectueux pour moi qu’il avait été insouciant dans la circonstance que je viens de dire ; et, aujourd’hui, son fils et son petit-fils sont de mes bons amis.

Je m’acheminai le lendemain, de bon matin, comme la chose m’avait été recommandée, vers l’hôtel du général Foy, redevenu mon seul espoir.

Le général était à son travail, comme la veille.

Il m’accueillit avec une figure riante qui me parut de bon augure.

— Eh bien, me dit-il, notre affaire est faite.

Je le regardai tout abasourdi.

— Comment cela ? lui demandai-je.

— Oui, vous entrez au secrétariat du duc d’Orléans, comme surnuméraire, à douze cents francs. Ce n’est pas grand’chose ; mais à vous maintenant de travailler.

— C’est une fortune !… Et quand serai-je installé ?

— Lundi prochain, si vous voulez.

— Lundi prochain ?

— Oui, c’est convenu avec votre chef de bureau.

— Comment se nomme-t-il ?

M. Oudard… Vous vous présenterez à lui de ma part.

— Oh ! général, je ne puis croire à mon bonheur.

Le général me regarda avec une expression de bonté inexprimable.