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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/138

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de n°  9 ; vous pouvez aller voir vous-même à l’affiche, il est le troisième.

Il n’y avait rien d’étonnant à cela ; n’étions-nous pas dans une veine de bonheur ?

Ma mère et moi, nous allâmes chez madame Chapuis ; nous étions plus heureux encore que nous ne le croyions. Boudoux avait calculé sur l’extrait sortant en compagnie ; j’avais mis mes trente sous sur l’extrait isolé ; il résultait de cette différence que mes trente sous me rapportaient, non pas soixante et treize francs, mais cent cinquante.

Je n’ai jamais bien compris la raison que me donna madame Chapuis pour doubler cette somme, qui, je me le rappelle, me fut payée tout en écus de six livres avec les appoints convenables ; mais, quand je vis les écus, quand il me fut permis de les emporter, je ne demandai pas d’autre explication.

J’étais possesseur d’une somme de cent quatre-vingt-cinq francs !

Jamais tant d’argent n’était entré dans ma poche.

Aussi, comme tous ces écus de six livres y faisaient un grand bruit et y tenaient une grande place, ma mère me les changea pour de l’or.

Ah ! la belle chose que cet or tant calomnié, quand il est la réalisation des plus chères espérances de la vie ! C’était peu de chose que ces neuf pièces d’or ; eh bien, elles avaient en ce moment plus de valeur à mes yeux que n’en ont eu depuis les milliers de pièces pareilles qui me sont passées par les mains, et dont, à l’instar de Jupiter, j’ai inondé cette maîtresse, la plus coûteuse de toutes les maîtresses, et qu’on appelle la Fantaisie.

Je ne coûtais donc rien à ma mère, pas même le transport des meubles, que je payais d’avance au roulier commissionnaire, lequel, moyennant la somme de vingt francs, s’engagea à les rendre à Paris, à la porte de l’hôtel de la rue des Vieux-Augustins, pour être transportés, de là, au logement que j’aurais choisi.

Ils devaient être rendus le lundi au soir.

Enfin, l’heure de la séparation arriva. Toute la ville assis-