Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tait à mon départ. On eût dit un de ces navigateurs du moyen âge qui partaient pour des pays inconnus, et que les vœux et les acclamations de leurs compatriotes saluaient encore sur les mers.

C’est qu’en effet, dans leur naïf et bienveillant instinct, ils sentaient, ces bons et chers amis, que je m’embarquais sur un océan bien autrement mouvant et orageux que celui qui, selon le divin aveugle, formait le cadre du bouclier d’Achille.

LXXIII

Je trouve un logement. — Hiraux fils. — Les journaux et les journalistes en 1823. — L’économie d’un dîner me permet d’aller au spectacle à la Porte-Saint-Martin. — Mon entrée au parterre. — Effet de cheveux. — On me met à la porte. — Comment je suis obligé de payer trois places pour en avoir une. — Un monsieur poli qui lit un Elzévir.

Comme on le voit, à chaque voyage que je faisais vers Paris, mon budget allait grossissant. Il y avait quatre mois, j’y étais entré avec ma part de trente-cinq francs dans la société Paillet et compagnie ; il y avait huit jours, c’était avec cinquante francs dans ma poche que j’avais touché la barrière ; enfin, cette fois, c’était avec cent quatre-vingt-cinq francs que je descendais à la porte de l’hôtel des Vieux-Augustins.

Le même jour, je me mis à la recherche d’un logement.

Après avoir monté et descendu un bon nombre d’escaliers, je m’arrêtai à une petite chambre au quatrième.

Cette chambre, qui avait le luxe d’une alcôve, appartenait à cette immense agglomération de maisons qu’on appelle le pâté des Italiens, et faisait partie de la maison n° 1.

Elle était tapissée d’un papier jaune à douze sous le rouleau, et donnait sur la cour.

Elle me fut laissée pour la somme de cent vingt francs par an.

Elle me convenait sous tous les rapports ; je ne marchandai