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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/152

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ver son chapeau de ma stalle, il s’était immédiatement replongé dans sa lecture, et cela plus profondément que jamais.

J’ai toujours admiré les hommes capables de faire une chose passionnément ; — ne pas confondre passionnément avec passionnellement ; ce dernier adverbe n’était pas inventé en 1823, ou, s’il l’était, Fourier ne l’avait pas encore lancé dans la circulation.

Curieux, comme je l’étais, de littérature, on ne s’étonnera point que je cherchasse à voir quel était le livre qui inspirait un si puissant intérêt à mon voisin, lequel, au reste, s’absorbant dans sa lecture, se livrait pieds et poings liés à mon investigation.

Cette investigation, je pouvais l’exercer à loisir ; j’avais plus d’un quart d’heure devant moi avant qu’on levât le rideau.

Je cherchai d’abord à voir le titre du livre ; mais la reliure en était soigneusement recouverte par une couverture de papier ; impossible donc de lire ce titre sur le dos du livre.

Je me levai ; dans cette position, je dominais le lecteur. Alors, grâce aux excellents yeux que j’ai le bonheur de posséder, je pus, de l’autre côte d’un frontispice gravé, lire ce curieux titre :

LE PASTISSIER FRANÇOIS
Où est enseignée la manière de faire
toute sorte de pastisserie ;
Très-utile à toute sorte de personnes ;
Ensemble le moyen d’apprester
toute sorte d’œufs pour les jours maigres et autres,
En plus de soixante façons.
AMSTERDAM
chez louis et daniel elzévier.

1655

— Ah ! ah ! me dis-je, me voilà fixé ! Ce monsieur si poli est assurément un gourmand de premier ordre, M. Grimod de