Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

été écrasé par la chute d’une voiture de foin, quatre personnes moururent subitement, et de la manière que meurent, selon les traditions du pays, ceux qui sont tourmentés par les vampires ; qu’on se ressouvint, alors, que, de son vivant, cet Arnold-Paul avait souvent raconté qu’aux environs de Cossova, sur la frontière de la Servie turque, il avait été tourmenté par un vampire turc ; — car ils croient aussi que ceux qui ont été vampires passifs, pendant leur vie, deviennent vampires actifs, après leur mort ; — mais qu’il avait trouvé moyen de se guérir en mangeant de la terre du sépulcre de ce vampire, et en se frottant de son sang… précaution qui ne l’empêcha point de devenir vampire après sa mort, puisque, quatre personnes étant mortes, on pensa que le fait venait de lui, et qu’on l’exhuma, quarante jours après son enterrement ; qu’il fut reconnu, alors, que son corps était vermeil ; que ses cheveux, ses ongles et sa barbe, avaient poussé ; que ses veines étaient toutes remplies d’un sang fluide, et coulant, de toutes les parties de son corps, sur le linceul dont il était enveloppé ; que le hadnagi ou bailli du lieu, en présence de qui se fit l’exhumation, et qui était un homme expert dans le vampirisme, fit enfoncer, selon la coutume, dans le cœur dudit Arnold-Paul un pieu fort aigu dont on lui traversa le corps de part en part, ce qui lui fit jeter un cri effroyable, comme s’il eût été en vie : cette expédition faite, on lui coupa la tête et l’on brûla le tout, et l’on en fit autant aux cadavres des quatre ou cinq personnes mortes de vampirisme, de crainte qu’elles n’en fissent mourir d’autres à leur tour ; que toutes ces expéditions ne purent empêcher que, vers 1735, c’est-à-dire au bout de cinq ans, les mêmes prodiges ne se fussent renouvelés, et que, dans l’espace de trois mois, dix-sept personnes du même village ne fussent mortes du vampirisme, quelques-unes sans être malades, d’autres après avoir langui deux ou trois jours ; qu’entre autres, une jeune personne, nommée Stranoska, fille de l’heiduque Jeronitzo, qui s’était couchée en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit, toute tremblante, en poussant des cris affreux, et en disant que le fils de l’heiduque Millo, mort depuis deux semaines, avait failli l’étrangler pen-