Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On avait la tunique, — tout se jouait en tunique à cette époque, — et une splendide tunique même, car elle se composait de deux châles de cachemire rouge, à grandes fleurs d’or, que mon père avait rapportés d’Égypte, et dont j’ai déjà parlé, je crois. On se contenterait de les coudre, de laisser, de chaque côté, une ouverture pour les bras, de les plisser à la taille avec le ceinturon d’une épée ; on ferait sortir de chaque ouverture des manches de satin, et don Ramire serait, sinon suffisamment, au moins richement et pudiquement vêtu des épaules à la moitié des cuisses.

Un col rabattu, et une toque de satin, de la couleur de la tunique, compléteraient la partie supérieure du costume.

Quant à la partie inférieure, c’était plus grave.

Les maillots étaient rares à Villers-Cotterets ; je pourrais même dire qu’ils y étaient inconnus ; il ne fallait donc pas songer à se procurer un maillot, c’eût été du temps perdu, une idéalité, un rêve !

Les plus longs bas de soie que l’on put trouver, cousus à un caleçon, firent l’affaire.

Venaient, ensuite, les brodequins.

Ah ! les brodequins, ce fut une invention de ma part.

On teignit en rouge une seconde paire de bas de soie ; on y cousit une semelle ; on la passa par-dessus la première ; on la rabattit, en la roulant, à trois pouces au-dessus des chevilles ; on arrêta ce rabat, qui faisait bourrelet ; on simula la laçure du brodequin avec un ruban vert, et la chaussure termina dignement un don Ramire qui se donnait le luxe de commencer par une toque de satin et une plume d’autruche.

Restait l’épée.

L’épée de mon père, épée républicaine, avec son bonnet de Liberté, figurerait assez mal au côté de don Ramire ; Le maire, M. Mussart, me prêta une épée Louis XV montée en argent ; on ôta la chaîne qui la fermait ; la garde disparue, il resta la poignée et la coquille ; cela parut suffisant aux plus difficiles.

L’annonce de cette solennité fit grand bruit ; on vint de toutes les villes et de tous les villages environnants, même de