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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/186

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Soissons. Je dus être horriblement ridicule, n’ayant jamais vu que Paul et Virginie, à l’âge de trois ans, et la Jeunesse de Henri V, à l’âge de onze ans. Mais les Robba firent huit cents francs de recette, c’est-à-dire une fortune ; mais une mère, un père, des enfants et des petits-enfants eurent de quoi manger pendant les deux tiers d’une année.

Pauvres Robba ! je me rappelle que tout leur répertoire se composait d’Adolphe et Clara et du Déserteur. Que sont devenus ces malheureux comédiens ? Dieu le sait !

Voilà comment je connaissais Hariadan Barbérousse, qui, avec le Vampire, dont j’allais voir le dernier acte, formait tout mon arsenal mélodramatique.

Le troisième acte n’était que la répétition de ce qui s’était passé au premier. — Ruthwen, que son ami Aubray croit mort à la ferme de Marsden, s’est ranimé, funèbre Endymion, sous les baisers de la lune. Revenu au château avant le frère de Malvina, il presse son mariage ; et Aubray, à son retour, trouve la fiancée parée et la chapelle prête.

Il s’approche de sa sœur pour lui apprendre cette terrible nouvelle de la mort de son fiancé, et, le voyant pâle et troublé, Malvina s’écrie :

« — Mon frère, le trouble où vous êtes !… Au nom du ciel, instruisez-moi de tout !

» — Eh bien, rappelle ton courage, dit Aubray. 

» — Vous m’épouvantez ! » dit Malvina.

Puis, se tournant vers la porte :

« — Mais milord tarde bien à paraître. 

» — Puisqu’il faut me résoudre à déchirer votre cœur, sachez que tous mes projets sont rompus. Un événement affreux, inattendu, nous a privés, moi, d’un ami, vous, d’un époux… L’infortuné Ruthwen… »

En ce moment, Ruthwen s’avance, saisit le bras d’Aubray, et lui dit d’une voix sombre :

« — Songe à ton serment ! »

Sur ces mots, et comme toute la salle éclate en applaudissements, un formidable coup de sifflet retentit dans une baignoire. Je me retournai avec tout l’orchestre et tout le parterre.