Et, sur ce dernier mot, il fit sa sortie.
À peine la porte était elle fermée, que je priai mon camarade Ernest de commencer ses leçons, ce à quoi il s’employa à l’instant même de tout son cœur.
Ernest était de première force sur le pliage, l’enveloppe et le cachet ; mais j’avais bonne volonté, et je puis dire que j’atteignis et que je dépassai mon maître.
J’étais arrivé, sur ce dernier point surtout, à une telle perfection, que, lorsqu’en 1831, je donnai ma démission au duc d’Orléans, devenu Louis-Philippe Ier, le seul regret qu’il exprima fut celui-ci :
— Diable ! c’est malheureux ! c’était le premier faiseur de cachets que j’eusse jamais vu.
Pendant que je prenais ma leçon de pliage et de cachetage avec Ernest, Lassagne lisait les journaux.
— Oh ! dit-il tout à coup, je le reconnais bien là !
— Qui donc ? demandai-je.
Au lieu de me répondre, Lassagne lut tout haut :
« Une scène qui rappelle celle de la Fontaine à la première représentation du Florentin a eu lieu, hier au soir, à la troisième représentation de la reprise du Vampire.
» Notre savant bibliophile Charles Nodier a été expulsé de la salle de la Porte-Saint-Martin, parce qu’il troublait la représentation en sifflant. Charles Nodier est un des auteurs anonymes du Vampire. »
— Tiens ! m’écriai-je, mon voisin d’orchestre était Charles Nodier !
— Avez-vous causé avec lui ? me demanda Lassagne.
— Je n’ai fait que cela pendant les entr’actes.
— Vous n’êtes pas malheureux, continua Lassagne ; si j’avais été à votre place, j’aurais bien donné la pièce pour les entr’actes.
Je connaissais Charles Nodier de nom ; mais j’ignorais complètement ce qu’il avait fait.
En sortant de mon bureau, j’entrai dans un cabinet littéraire, et je demandai un roman de Nodier.
On me donna Jean Sbogar.