le papier, que, cette fois, ce ne fut plus de l’impatience que j’excitai chez M. de Broval, ce fut de la commisération.
— Oh ! mais, mon ami, me dit-il, vous n’avez donc jamais cacheté une lettre ?
— Jamais, monsieur, répondis-je. À qui vouliez-vous que j’écrivisse, perdu que j’étais dans ma petite ville de province ?
Cet humble aveu toucha M. de Broval.
— Tenez, dit-il en allumant la cire, voici comme on cachète une lettre.
Et, en effet, il cacheta la lettre à bras tendus, et d’une main aussi sûre que s’il eût eu vingt-cinq ans.
Puis, prenant le large cachet d’argent, il l’appuya sur le lac de cire bouillante, et ne le retira que lorsque l’empreinte put offrir avec netteté à mon regard l’écusson aux trois fleurs de lis lambellé d’Orléans, surmonté de la couronne ducale.
J’étais atterré, je l’avoue.
— Écrivez l’adresse, me dit majestueusement M. le chevalier de Broval.
J’écrivis l’adresse d’une main tremblante.
— Bon, bon, dit M. le chevalier de Broval, rassurez-vous, mon enfant… C’est bien ; contre-signez, maintenant.
Je m’arrêtai, ignorant complètement ce que c’était qu’un contre-seing.
M. de Broval commençait, comme le général Foy, à comprendre mes ignorances. Il m’indiqua du doigt le coin de la lettre.
— Ici, me dit-il, ici, écrivez : Duc d’Orléans. C’est pour la franchise de la poste, vous entendez ?
J’entendais parfaitement ; mais j’étais si profondément troublé, que je continuais à comprendre assez mal.
— La ! dit M. de Broval en prenant la lettre, et en la regardant d’un air assez satisfait, c’est bien ; mais il faudra apprendre tout cela. — Ernest…
Ernest était le favori de M. de Broval, et, dans ses moments d’expansion, le vieux courtisan l’appelait par son petit nom.
— Ernest, vous apprendrez à M. Dumas à plier les lettres, à faire les enveloppes, et à poser les cachets.