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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/219

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ami, aura trouvé un airain aussi précieux que l’airain de Corinthe.

Je réfléchis un instant à ce que me disait Lassagne.

— C’est très-beau, ce que vous me dites là, monsieur, répondis-je ; et, comme c’est beau, ce doit être vrai.

— Connaissez-vous Eschyle ?

— Non.

— Connaissez-vous Shakspeare ?

— Non.

— Connaissez-vous Molière ?

— À peine.

— Eh bien, lisez tout ce qu’ont écrit ces trois hommes ; quand vous les aurez lus, relisez-les ; quand vous les aurez relus, apprenez-les par cœur.

— Et alors ?

— Oh ! alors… vous passerez d’eux à ceux qui procèdent d’eux ; d’Eschyle à Sophocle, de Sophocle à Euripide, d’Euripide à Sénèque, de Sénèque à Racine, de Racine à Voltaire, et de Voltaire à Chénier ; voilà pour la tragédie. Ainsi, vous assisterez à cette transformation d’une race d’aigles qui finit par des perroquets.

— Et de Shakspeare à qui passerai-je ?

— De Shakspeare à Schiller.

— Et de Schiller ?

— À personne.

— Mais Ducis ?

— Oh ! ne confondons pas Schiller avec Ducis : Schiller s’inspire, Ducis imite ; Schiller reste original, Ducis devient copiste, et mauvais copiste.

— Quant à Molière, maintenant ?

— Quant à Molière, si vous voulez étudier quelque chose qui en vaille la peine, au lieu de descendre, vous remonterez.

— De Molière à qui ?

— De Molière à Térence, de Térence à Plaute, de Plaute à Aristophane.

— Mais Corneille, vous l’oubliez ; ce me semble ?

— Je ne l’oublie pas, je le mets à part.