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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/220

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Pourquoi cela ?

— Parce que ce n’est ni un ancien Grec, ni un vieux Romain.

— Qu’est-ce que c’est donc, que Corneille ?

— C’est un Cordouan, comme Lucain ; vous verrez, quand vous comparerez, que son vers a de grandes ressemblances avec celui de la Pharsale.

— Voudriez-vous me laisser écrire tout ce que vous me dites là ?

— Pourquoi faire ?

— Pour en faire la règle de mes études.

— C’est inutile, puisque vous m’avez là.

— Mais peut-être ne vous aurai-je pas toujours.

— Si vous ne m’avez pas, vous en aurez un autre.

— Cet autre ne sera peut-être pas aussi savant que vous ?

Lassagne haussa les épaules.

— Mon cher enfant, me dit-il, je ne sais que ce que tout le monde sait ; je ne vous dis que ce que le premier venu vous dira.

— Alors, je suis bien ignorant ! murmurai-je en laissant tomber ma tête dans mes mains.

— Le fait est que vous avez beaucoup à apprendre ; mais vous êtes jeune, vous apprendrez.

— Et en roman, dites-moi, qu’y a-t-il à faire ?

— Tout, comme au théâtre.

— Je croyais cependant que nous avions d’excellents romans.

— Qu’avez-vous lu en romans ?

— Ceux de Lesage, de madame Cottin et de Pigault-Lebrun.

— Quel effet vous ont-ils produit ?

— Les romans de Lesage m’ont amusé ; ceux de madame Cottin m’ont fait pleurer ; ceux de Pigault-Lebrun m’ont fait rire.

— Alors, vous n’avez lu ni Gœthe, ni Walter Scott, ni Cooper ?

— Je n’ai lu ni Gœthe, ni Walter Scott, ni Cooper.

— Eh bien, lisez-les.

— Et, quand je les aurai lus, que ferai-je ?