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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/227

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ma mère qui nous fait signe de venir. Allons nous mettre à table.

Nous montâmes : on me présenta à M. et à madame Arnault ; — je connaissais déjà Lucien, Telleville et Louis.

J’avais vu M. Arnault à cette fameuse chasse du bois du Tillet ; mais je n’avais pas eu l’honneur de lui parler. Dans le bois, il avait demandé qu’on lui assignât un bon poste ; on l’avait placé à un endroit où, lui avait dit M. Deviolaine, le chevreuil ne pouvait manquer de passer. M. Arnault, qui n’y voyait pas à deux longueurs de fusil, avait essuyé les verres de ses lunettes, s’était assis, avait tiré ses tablettes et un crayon, et s’était mis à écrire une fable qui, depuis la veille, lui trottait par la tête. Au bout d’un quart d’heure, il avait entendu du bruit dans les broussailles ; il avait déposé tablettes et crayon, pris le fusil, et mis en joue en attendant que l’animal passât.

— Oh ! monsieur, s’était écrié une femme, ne tirez pas ; vous aller tuer ma vache !

— Êtes-vous bien sûre que ce soit votre vache et pas un chevreuil ? avait alors demandé M. Arnault.

— Oh ! monsieur, vous allez voir…

Et la femme, courant à la vache, s’était pendue à la queue de l’animal, et l’avait si bien tirée, que la pauvre bête s’était mise à mugir.

— En effet, avait dit M. Arnault, je crois que c’est moi qui me trompe.

Et il s’était rassis, avait reposé son fusil à terre, avait repris son crayon et ses tablettes, et s’était remis à sa fable, qu’il avait conduite à bonne fin.

La famille de M. Arnault se composait de Lucien et de Telleville, ses deux fils d’un premier lit ; de Louis et de Gabrielle, ses deux enfants du second.

La seconde femme de M. Arnault était une demoiselle de Bonneuil.

Quelques mots sur cette excellente famille.

Nous commencerons, comme l’Évangile, par les petits et les humbles.