Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cercle à tous les sergents-majors, et leur ordonne de se rendre dans les chambres. Là, chaque compagnie mettra les pierres aux fusils, fera les sacs, et se tiendra prête à marcher.

Quant aux sergents-majors, ils reviendront souper avec Manoury.

À vingt pas de l’endroit où souperont Manoury et ses sergents-majors, le colonel Pailhès, descendu à l’hôtel de la Poste, dîne avec une vingtaine de conjurés, et, comme le maître de la poste est un des premiers conspirateurs, on ne se gêne pas, et la salle du souper est décorée avec les drapeaux tricolores, les cocardes et les aigles.

En effet, qu’a-t-on à craindre ? Aucun officier n’habite la caserne ; il est dix heures du soir, et à minuit la conjuration éclate.

Hélas ! qui sait combien de malheurs inattendus peuvent, en deux heures, s’échapper de cette boîte de Pandore qu’on appelle le hasard ?…

Un sergent dont le congé de semestre est expiré la veille, et qui, par conséquent, absent depuis six mois, ignore tout, un sergent arrive à Béfort, dans la soirée du 1er janvier, juste à temps pour répondre à l’appel, et assister aux préparatifs qui se font.

Les préparatifs faits, il veut donner à la fois une preuve d’exactitude et de zèle à son capitaine ; en conséquence, il se rend chez lui, et lui annonce que le régiment est prêt.

— Prêt à quoi ? demande le capitaine.

— Mais à marcher.

— À marcher où ?

— Sur l’endroit où on le dirigera.

Le capitaine regarde le sergent.

— Que dites-vous ? demande-t-il.

— Capitaine, je dis que les sacs sont faits, et que les pierres sont aux fusils.

— Vous êtes ivre ou fou, dit le capitaine ; allez vous coucher.

Le sergent va se retirer, en effet, quand un autre officier arrête le sergent, l’interroge avec plus de détails, et acquiert,