Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

déclarée, et où se fit, par l’aumônier du Palais-Royal, en présence du curé de la paroisse et de deux valets, la cérémonie de l’ondoiement.

Pendant ce temps, la fille de la duchesse, restée en Italie, y était élevée sous le nom de Maria-Stella-Petronilla.

On devine le reste de la fable. Suivons-la, cependant, dans ses détails.

Maria-Stella demeura jusqu’à la mort du geôlier Chiappini sans connaître sa naissance. Sa jeunesse fut triste. La femme du geôlier, qui regrettait son fils, et qui reprochait éternellement à son mari le pacte conclu, rendait l’enfant très-malheureuse. Très-belle, d’ailleurs, la jeune fille, à l’âge de dix-sept ans, fit une telle impression sur lord Newborough, qui passait à Modigliana, que ce seigneur, l’un des plus riches d’Angleterre, l’épousa presque malgré elle, et l’emmena à Londres. Restée veuve, encore jeune, avec plusieurs enfants, — dont l’un est aujourd’hui pair d’Angleterre, — elle épousa bientôt le baron de Sternberg, qui l’emmena à Pétersbourg, et dont elle eut un fils.

Un jour, la baronne de Sternberg, à peu près séparée de son mari, reçut une lettre timbrée d’Italie ; elle l’ouvrit et lut les lignes suivantes, écrites de la main de celui qu’elle croyait, son père :

« Milady,

» Je suis finalement arrivé au terme de mes jours, sans avoir révélé à personne un secret qui regarde directement vous et moi.

» Ce secret est le suivant :

» Le jour où vous naquîtes d’une personne que je ne puis nommer, et qui a déjà quitté cette terre, il me naquit aussi, à moi, un garçon. Je fus requis de faire un échange, et, attendu le peu de fortune que j’avais en ce temps-là, je consentis à des propositions instantes et avantageuses. Ce fut alors que je vous adoptai pour ma fille, en même temps que l’autre partie adoptait mon fils. Je vois que le ciel a suppléé à mes fautes, puisque