Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

C’était une grande impertinence ! Un prince ne se trompe jamais, et, dans cette circonstance, le prince ne se trompait pas.

Aussi, le duc d’Orléans, s’arrêtant devant moi :

— Monsieur Dumas, me dit-il, apprenez ceci : c’est que, lorsqu’on ne descendrait de Louis XIV que par les bâtards, c’est encore un assez grand honneur pour qu’on s’en vante !… Continuez.

Et il reprit :

« … Cette ressemblance ne suffirait-elle pas à démontrer la fausseté des prétentions de cette aventurière ?… »

Cette fois, j’écrivis sans lever le nez, et ne le levai plus, pendant tout le reste de la séance.

À quatre heures, le duc d’Orléans me rendit la liberté, en me demandant si je pouvais venir travailler le soir.

Je répondis que j’étais aux ordres de Son Altesse.

Je pris mon chapeau, je saluai, je sortis, j’enjambai les escaliers quatre à quatre, et je courus retrouver Lassagne.

Le hasard fit qu’il était encore à son bureau.

— Mais, lui demandai-je en entrant et sans autres préliminaires, comment se fait-il donc que Louis XIV soit l’aïeul du duc d’Orléans ?

— Pardieu ! me dit-il, c’est bien simple : parce que le régent a épousé mademoiselle de Blois, fille naturelle de Louis XIV et de madame de Montespan, à telles enseignes que, lorsqu’il a annoncé ce mariage à la princesse Palatine, seconde femme de Monsieur, celle-ci lui a allongé un soufflet en pleine joue pour lui apprendre à se mésallier. Vous trouverez cela dans les Mémoires de la princesse Palatine et dans Saint-Simon.

Je demeurai écrasé sous cette réponse si prompte et si sûre.

— Ah ! me dis-je en courbant la tête, je n’en saurai jamais tant que cela !

Le soir même, à onze heures, la copie de mon mémoire fut terminée. M. Dupin, à qui elle fut envoyée le lendemain, doit l’avoir encore, toute de mon écriture.