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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/259

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’approbation envoyant mon écriture ; mais presque aussitôt :

— Ah ! ah ! dit-il, vous avec une ponctuation à vous, à ce qu’il paraît.

Et, prenant une plume, il s’assit à l’angle de la table, et se mit à ponctuer ma copie selon les règles de la grammaire.

Le duc me faisait beaucoup d’honneur en disant que j’avais une ponctuation à moi ; je ne savais pas plus la ponctuation qu’autre chose : je ponctuais selon mon sentiment, ou plutôt je ne ponctuais pas du tout.

Aujourd’hui encore, je ne ponctue que sur les épreuves, et je crois qu’on pourrait prendre au hasard dans mes manuscrits, et parcourir tout un volume, sans y trouver ni un point d’exclamation, ni un accent aigu, ni un accent grave.

Après que le duc d’Orléans eut lu, après qu’il eut corrigé la ponctuation, il se leva, et, en marchant, me dicta la partie qu’il voulait corriger.

J’écrivais presque aussi rapidement qu’il dictait, ce qui paraissait le satisfaire beaucoup. J’arrivai à cette phrase :

« Et quand il n’y aurait que la ressemblance frappante qui existe entre le duc d’Orléans et son auguste aïeul Louis XIV, cette ressemblance ne suffirait-elle pas à démontrer la fausseté des prétentions de cette aventurière ?… »

Je n’étais pas, je l’ai déjà dit, très-fort en histoire ; mais, dans cette circonstance, j’en savais juste assez, — comme on dit en duel d’un homme qui a trois mois de salle, — j’en savais juste assez pour me faire tuer : c’est-à-dire que je savais que M. le duc d’Orléans descendait de Monsieur ; que Monsieur était le fils de Louis XIII et le frère de Louis XIV, et que, par conséquent, Louis XIV, étant le frère de Monsieur, ne pouvait pas être l’aïeul du duc d’Orléans qui me faisait l’honneur de me dicter un mémoire contre les prétentions de Maria-Stella.

Aussi, à ces mots : « Et quand il n’y aurait que la ressemblance frappante qui existe entre le duc d’Orléans et son auguste aïeul Louis XIV… » je levai la tête.