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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/270

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

En arrivant à Poissy, Magallon fut revêtu de l’habit de l’établissement. Dès le soir même, il dut manger à la gamelle, et apprendre à tresser de la paille…

On se contente de citer de pareils faits ; seulement, il faut ajouter qu’ils se passaient sous le règne d’un prince qui se prétendait homme de lettres, pour avoir pris un quatrain à Lemierre et une comédie à Merville…

Nous avons raconté comment M. Arnault, dont le Marius à Minturnes avait réussi, malgré la prédiction de Monsieur, paya, selon toute probabilité, ce manque de respect aux décisions de l’altesse royale par quatre ans d’exil, au retour des Bourbons.

Au reste, ce n’était pas le coup d’essai de Louis XVIII à l’endroit de ses confrères les hommes de lettres. Sans compter M. de Chateaubriand, qu’il chassa du ministère comme un laquais ; — ce qui fit dire au noble pair en recevant sa démission : « C’est étrange je n’avais cependant pas volé la montre du roi ! » — sans compter Magallon, qu’il envoya à Poissy enchaîné à un forçat galeux ; sans compter M. Arnault, qu’il exila, il avait eu aussi une petite histoire du : même genre avec Beaumarchais.

M. Arnault a plus d’une fois raconté devant moi cette curieuse histoire, assez inconnue, de l’emprisonnement de Beaumarchais.

La voici.

Il y a toujours eu une censure, — excepté dans les deux ou trois premiers mois qui suivent le jour où les princes montent sur le trône, et les deux ou trois mois qui suivent le jour où ils en sont chassés ; mais, ces trois mois écoulés, la censure, qui a fait le plongeon, reparaît sur l’eau, et finit par trouver quelque ministre, autrefois libéral ou même républicain, pour lui tendre la perche.

À l’époque du Mariage de Figaro, M. Suard était censeur, et, en même temps, journaliste. C’était un de ceux qui s’étaient, avec le plus d’acharnement, opposés à la représentation de l’œuvre de Beaumarchais, et il était pour beaucoup dans ces cinquante-neuf voyages que fit l’illustre auteur —