Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

geriez insurmontables, si vous connaissiez aussi bien que moi les gens auxquels nous avons affaire.

» Quand j’ai parlé de votre fils, qui a toujours eu l’intention de servir, pour une place de chef d’escadron dans le régiment que son père a eu autrefois, ne m’a-t-on pas donné, comme objection d’un certain poids, que la paix était faite, et qu’avant de songer à placer le marquis de V***, il fallait pourvoir au sort de vingt-cinq mille officiers, dont les uns, le croiriez-vous ! se prévalent de leurs campagnes, de leurs blessures, et vont même jusqu’à se faire un titre des batailles où ils se sont trouvés ; tandis que les autres, plus étroitement liés aux malheurs de la famille royale, rentrent en France sans autre fortune que les bontés et les prévenances du roi. J’ai demandé alors, avec un peu d’humeur, ce que l’on ferait pour votre fils et une foule de braves royalistes qui ont tant gémi sur les malheurs de l’État, et dont les vœux n’ont pas cessé de rappeler en secret la famille royale au trône de ses ancêtres. On m’a répondu qu’ils se réjouiraient de voir la fin de tous nos maux, et l’accomplissement de leurs vœux.

» C’est un homme bien singulier que votre mari. Je conçois, ma chère cousine, tout ce que vous devez avoir à souffrir de son incroyable apathie. À soixante-cinq ou soixante-six ans tout au plus, réduit à une fortune de quarante mille livres de rente, il se confine au fond d’un château, et croit pouvoir renoncer à la carrière de l’ambition, comme si un père ne se devait pas à ses enfants, comme si un gentilhomme ne devait pas mourir debout !

» Je suis fâché que votre beau-frère ait pris la croix de Saint-Louis avant de l’avoir eue ; car il pourrait arriver que le roi ne se dessaisit pas facilement du droit de conférer lui-même cette décoration, et qu’il n’approuvât point la justice que certaines personnes s’empressent de se rendre. Vous sentez qu’il y a moins d’inconvénients à ne pas avoir la croix de Saint-Louis que de se trouver dans l’obligation de la quitter.

» Je n’ai pas négligé de faire valoir les droits de votre fils le chevalier, et je ne désespère pas de le faire recevoir à l’exa-