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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/306

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le hasard m’avait jeté dans la mêlée avant que j’eusse pu prévoir le danger.

.... Quœque ipse miserrima vidi,
Et quorum pars magna fui
 !

» Les assaillants étaient animés par le désir de voir cette actrice nouvelle et par l’enthousiasme qu’inspire une beauté célèbre. C’est dans ces occasions que la curiosité n’est plus qu’une passion insensée et brutale. C’est alors que le goût des spectacles ressemble à la férocité et à la barbarie. Les femmes, étouffées, poussaient des cris perçants, tandis que les hommes, dans un silence farouche, oubliant la politesse et la galanterie, ne songeaient qu’à s’ouvrir un passage aux dépens de tout ce qui les environnait. Rien n’est plus indécent pour une nation éclairée et philosophique, rien n’est plus honteux pour un peuple généreux et libre, que de pareils combats. Nous avons peut-être de meilleures pièces et de meilleurs acteurs que les Athéniens, — cela n’est pas encore bien prouvé ; — mais il est sûr que les Athéniens donnaient à leurs jeux scéniques plus de noblesse et de dignité. Je vois toujours avec peine les progrès rapides de cette fureur de théâtre, de cette rage aveugle pour un amusement frivole, parce que l’histoire m’apprend que c’est un signe infaillible de la décadence des esprits et de l’affaiblissement des mœurs. C’est aussi une calamité pour les vrais amateurs ; car il est démontré que les spectacles né sont jamais moins bons que lorsqu’ils sont le plus courus… »

Le lecteur se doutait-il que le fameux Geoffroy écrivît d’un pareil style ? — Non. — Eh bien, ni moi non plus.

Continuons. À mesure qu’on avance, cela cesse d’être plat : cela devient curieux.

« Les conseillers du roi Priam s’écriaient en voyant passer Hélène : « Une si belle princesse mérite bien qu’on se batte