Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pour elle ; mais, quelque merveilleuse que soit sa beauté, la paix est encore préférable. »

» Et, moi, j’ai dit en voyant paraître mademoiselle Georges : Faut-il être surpris qu’on s’étouffe pour une aussi superbe femme ? Mais, fûlt-elle, s’il est possible, plus belle encore, il eût mieux valu ne pas s’étouffer, même dans ses propres intérêts ; car les spectateurs sont plus sévères à l’égard d’une débutante, quand sa vue leur a coûté si cher. »

» Précédée sur la scène d’une réputation si extraordinaire de beauté, mademoiselle Georges Weymer n’a point paru au-dessous de sa renommée. Sa figure réunit aux grâces françaises la régularité et la noblesse des formes grecques ; sa taille est celle de la sœur d’Apollon, lorsqu’elle s’avance sur les bords de l’Eurotas, environnée de ses nymphes, et que sa tête s’élève au-dessus d’elles ; toute sa personne est faite pour offrir un modèle au pinceau de Guérin… »

Ah ! monsieur Geoffroy, je ne sais pas si les critiques du temps de Périclès valaient mieux que ceux du temps de Bonaparte, premier du nom ; mais ce que je sais, c’est que les nôtres — un ou deux, du moins, — écrivent d’un meilleur style…

Non ?

Tenez, voici, sur le même sujet, un portrait tracé par un critique de 1835. Voyons, à trente-trois ans de distance, les progrès qu’a faits le style en passant de Geoffroy à Théophile Gautier.

« Mademoiselle Georges ressemble, à s’y méprendre, à une médaille de Syracuse ou à une Isis des bas-reliefs éginétiques. L’arc de ses sourcils, tracé avec une pureté et une finesse incomparables, s’étend sur deux yeux noirs pleins de flammes et d’éclairs tragiques. Le nez, mince et droit, coupé d’une narine oblique et passionnellement dilatée, s’unit avec le front par une ligne d’une simplicité magnifique. La bouche est puissante, aiguë à ses coins, superbement dédaigneuse, comme