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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/308

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

celle de Némésis vengeresse, qui attend l’heure de démuseler son lion aux ongles d’airain ; cette bouche a pourtant de charmants sourires épanouis avec une grâce tout impériale ; et l’on ne dirait pas, quand elle veut exprimer les passions tendres, qu’elle vient de lancer l’imprécation antique ou l’anathème moderne. Le menton, plein de force et de résolution, se dessine fermement, et relève par un contour majestueux ce profil qui est plutôt d’une déesse que d’une mortelle. Comme toutes les belles femmes du cycle païen, mademoiselle Georges a le front large, plein, renflé aux tempes, mais peu élevé, assez semblable à celui de la Vénus de Milo, un front volontaire, voluptueux et puissant. Une singularité remarquable du cou de mademoiselle Georges, c’est qu’au lieu de s’arrondir intérieurement du côté de la nuque, il forme un contour renflé et soutenu qui lie les épaules à la base de la tête sans aucune sinuosité. L’attache des bras a quelque chose de formidable par la vigueur des muscles et la violence du contour ; un des bracelets d’épaule ferait la ceinture pour une femme de taille moyenne ; mais ils sont très-blancs, très-purs, terminés par un poignet d’une délicatesse enfantine, et des mains mignonnes frappées de fossettes, de vraies mains royales faites pour porter le sceptre et pétrir le manche du poignard d’Eschyle et d’Euripide. »

Merci, mon cher Théophile, de m’avoir offert cette magnifique page, et pardon de la mauvaise compagnie où je vous place. Pouah !

Je reviens donc à Geoffroy.

Il continue :

« Le talent répondit à la beauté. La salle était toute comble et toute frémissante ; le premier consul et toute sa famille étaient dans la loge d’avant-scène de droite ; il battit plusieurs fois des mains, ce qui n’empêcha point une certaine opposition d’éclater à ce vers :

» Vous savez, et Calchas mille fois vous l’a dit… »