Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je commence à croire que nous nous sommes trompé sur l’impartialité de ce bon M. Geoffroy, et qu’il avait reçu, avant la représentation, quelque message bien sonnant de quelqu’un des membres de la famille Bonaparte qui était dans la loge du premier consul.

Mademoiselle Georges joua trois fois de suite le rôle de Clytemnestre. C’était un énorme succès.

Puis elle passa au rôle d’Aménaïde, cette fille atteinte de vapeurs hystériques, comme disait encore Geoffroy ; et le succès alla toujours croissant.

Enfin, du rôle d’Aménaïde, elle passa au rôle d’Idamé de l’Orphelin de la Chine.

Si les hommes attendaient les débutantes au rôle de Clytemnestre pour savoir comment elles diraient ce fameux vers indigne de Racine :

Vous savez, et Calchas mille fois vous l’a dit…

les femmes attendaient avec non moins d’impatience les débutantes au rôle d’Idamé pour savoir comment elles se coifferaient.

Mademoiselle Georges se coiffa tout simplement à la chinoise, c’est-à-dire en relevant ses cheveux, et en les nouant avec un ruban doré.

Elle était admirable ainsi, à ce que m’a dit, non pas Lucien, mais le roi Jérôme, son frère, grand appréciateur de toute beauté, fût-elle coiffée à la chinoise, et qui, comme Raucourt, a conservé l’habitude d’appeler Georges Georgine.

Le soir de cette représentation de l’Orphelin de la Chine, tandis que Georgine, dont tout Paris s’occupait à cette heure, soupait à l’hôtel du Pérou avec des lentilles, — non point parce qu’elle les aimait, comme Ésaü, mais parce qu’il n’y avait pas autre chose à la maison, — on annonça le prince Zappia.

Qu’était-ce que le prince Zappia ? Était-ce encore un prince de la critique ?

Non pas, c’était un vrai prince, un de ces princes artistes