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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/48

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

J’enviais mon chien, qui, couché sur ma descente de lit, tranquille d’imagination, éreinté de corps, et insoucieux de l’endroit où il se trouvait, ne fit qu’un somme.

Le lendemain, je m’éveillai à sept heures.

En un tour de main, je fus prêt.

De Leuven demeurait rue Pigalle, n° 14. C’était à une lieue à peu près de la rue des Vieux-Augustins ; mais, bah ! qu’importait ?

J’avais bien fait dix ou douze lieues la veille, sans compter les tours et détours, je pouvais bien en faire une le lendemain.

Je me mis en route. Paillet avait ses affaires ; moi, j’avais les miennes. Nous ne nous trouverions probablement qu’à dîner, et même peut-être seulement le soir.

Je sortis de la rue des Vieux-Augustins, par le côté de la rue Croix-des-Petits-Champs ; je marchai droit devant moi. Je vis un passage où s’engouffraient beaucoup de gens, et d’où sortaient beaucoup d’autres. Je descendis sept ou huit marches : je me crus perdu. Je voulus remonter, mais j’eus honte. Je continuai mon chemin, je tombai dans la rue de Valois.

Je venais, du premier coup, de faire connaissance avec le plus hideux passage de Paris, le passage de la rue Neuve-des-Bons-Enfants.

Je traversai un autre passage qui se trouvait devant moi, et je me trouvai dans le Palais-Royal. J’en fis le tour ; la moitié des boutiques étaient encore fermées.

Je m’arrêtai devant le Théâtre-Français, et je vis sur l’affiche :

DEMAIN LUNDI
SYLLA
Tragédie en cinq actes, en vers, de M. de JOUY.

Je jurai bien que, d’une façon ou de l’autre, dussé-je porter atteinte à la bourse commune, je verrais Sylla.