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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À onze heures, nous nous remettions en route, et nous marchions en droite ligne sur Paris, où nous entrâmes à dix heures et demie du soir : moi à pied, et Paillet à cheval, avec quatre lièvres, douze perdrix et deux cailles.

Nous avions, au cours de la Halle, pour trente francs de gibier.

’En arrivant à l’hôtel des Vieux-Augustins, Paillet se fit reconnaître, et posa ses conditions.

Il s’agissait, dit-il à notre hôte, d’un pari considérable que nous avions fait avec des Anglais.

Nous avions parié d’aller à Paris, et d’en revenir, sans dépenser un sou.

En conséquence, nous voulions, pour gagner le pari, traiter avec notre hôte de notre chargement de gibier.

Moyennant nos quatre lièvres, nos douze perdrix et nos deux cailles, notre hôte s’engageait à nous nourrir et à nous coucher deux jours et deux nuits, nous, notre cheval et notre chien.

En outre, au départ, il devait nous munir d’un pâté et d’une bouteille de vin.

À ces conditions, notre hôte déclara qu’il faisait une bonne affaire, et nous offrit un certificat par lequel il attesterait que, chez lui du moins, nous n’avions pas dépensé un sou. Nous le remerciâmes en lui disant que nos Anglais nous croiraient sur parole.

Nous nous orientâmes, Paillet et moi, et nous allâmes prendre un bain.

Avec toute l’économie possible, il nous fallut prélever sur notre reliquat une somme de trois francs cinquante ; nous nous trouvâmes donc réduits à vingt-trois francs cinquante centimes.

Nous avions dépensé un peu moins du tiers de notre avoir ; mais nous étions arrivés, et nous avions laà table et le lit assurés pour quarante-huit heures.

Malgré la fatigue de la journée, je dormis mal : j’étais à Paris.