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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/83

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Il êdre-dit en auzi maufais édat que la maison, le chartin ? demanda-t-il.

— Dame !… tout cela est un peu abandonné ; mais maintenant que c’est à nous…

— Il fa valloir peaucoub d’archent pour endredenir cette fieille gargotte, fit judicieusement observer Bamps.

— Bah ! on en trouvera, répondis-je, si ce n’est pas dans notre poche, ce sera dans celle des autres.

— Pon ! alors, si fous en droufez, dant mieux !

Nous avions traversé la cour, et nous entrions dans le jardin.

C’était au commencement d’avril ; il venait de s’écouler deux ou trois belles journées, — vous savez, de ces journées qui, comme des servantes fidèles, plient le manteau blanc de l’hiver, et déplient la robe verte du printemps.

Or, le jardin, tout abandonné qu’il était comme les appartements, poursuivait son œuvre de vie, en opposition avec l’œuvre de mort de la maison.

La maison vieillissait tous les ans ; tous les ans, le jardin rajeunissait.

On eût dit que les arbres, pour un bal donné par la forêt, s’étaient fait poudrer : pommiers et poiriers en blanc, pêchers et amandiers en rose.

Rien n’était jeune, rien n’était frais, rien n’était vivant comme ce jardin du mort.

Tout se réveillait avec cette nature, qui se réveillait elle-même ; les oiseaux commençaient à chanter, et trois ou quatre papillons, trompés par ces fleurs et par ce premier rayon de soleil, voletaient encore engourdis ; pauvres éphémères, nés le matin, et qui devaient mourir le soir !

— Eh bien, demandai-je à Bamps, que dites-vous du jardin ?

— Ah ! il êdre drès-choli ; c’êdre malheureux gu’il ne zoit bas tans la rue de Rifoli.

— Il y aura pour plus de cent écus de fruits, voyez-vous, dans ce jardin-là.

— Foui, s’il ne fient pas de maufaises chelées !

Nous fîmes le tour du jardin ; puis, lorsque je crus voir que