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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/84

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

la satisfaction l’emportait sur le doute, je ramenai Bamps à la maison.

Le dîner nous attendait. Je crois que le dîner fit passer Bamps de la satisfaction au doute.

— Eh pien, me dit-il, quand il eut pris sa tasse de café et sa goutte de cognac, nous allons un bheu barler de nos betides avaires.

— Comment donc, mon cher Bamps ! volontiers.

Ma mère poussa un soupir.

— Foilà, continua Bamps, la vagdure, il êdre de cent cinguante-zingue francs.

— Sur lesquels je vous en ai donné vingt.

— Zur lesquels vous m’en afre tonné flingt : restent cent drende-zingue. Sur ces cent drende-zingue, fous tefiez m’en tonner fingt par mois. Il y a teux mois t’écoulés : cela fait guarande que fous me tevez.

— Quarante juste, mon cher, vous comptez comme Barême.

— Foui, che gompde pien.

La situation devenait embarrassante. En ouvrant le comptoir de ma pauvre mère, et en le grattant jusqu’au dernier sou, on n’y eût certes pas trouvé les quarante francs réclamés. Juste en ce moment-là, la porte s’ouvrit.

— M. Dumas est-il ici ? demanda une voix des plus vulgaires.

— Oui, M. Dumas est ici, répondis-je de mauvaise humeur. Que lui voulez-vous ?

— Ce n’est pas moi qui lui veux.

— Et qui donc, alors ?

— Un Anglais qui est chez M. Cartier.

— Un Anglais ? répétai-je.

— Oui, un Anglais qui est très-pressé de vous voir.

C’était bien mon affaire ! si pressé que fut l’Anglais de mevoir, il ne l’était pas autant que je l’étais, moi, de quitter Bamps.

— Mon cher Bamps, lui dis-je, je reviens ; attendez-moi. À mon retour, nous finirons nos comptes.

— Retenez vite, il vaut que je rebarte ce soir.

— Soyez tranquille, je ne fais qu’aller et venir.