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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/101

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

meurait presque en face, chercher une lancette, décidé à la saigner moi-même au pied, si Florence n’arrivait pas.

Florence arriva.

Ce fut lui qui s’acquitta de l’opération ; presque aussitôt, un léger mieux se manifesta : la langue, débarrassée, put prononcer quelques mots.

Sur ces entrefaites, ma sœur accourut ; par bonheur, elle était à Paris, où elle était venue pour assister à ma première représentation.

Par bonheur encore, un appartement se trouvait vacant dans la maison, au troisième étage, je crois ; nous le prîmes pour un trimestre. Madame Deviolaine y fit descendre un lit pour ma mère ; nous y transportâmes de la rue du faubourg Saint-Denis des matelas pour nous ; ces matelas furent posés à terre dans la chambre de ma mère ; nous étions résolus, ma sœur et moi, à ne pas la laisser seule un instant.

Malheureusement, Thibaut n’était pas à Paris. Madame de Celles, la fille du général Gérard, étant souffrante de la poitrine, avait demandé un médecin qui pût l’accompagner en Italie ; madame de Leuven lui avait désigné Thibaut, et Thibaut était parti avec elle.

Comme nous ne connaissions Florence que par occasion, il eut la discrétion, les premiers soins donnés à la malade, de se retirer de lui-même. J’appelai, alors, un autre de mes amis nommé Cazal.

C’était un homme fort intelligent, et la preuve, c’est que, voyant que, malgré ses connaissances médicales, sa clientèle restait médiocre, il inventa un genre nouveau de parapluies et d’ombrelles, prit un brevet, et fit fortune.

Cazal passa avec nous la nuit entière près de ma mère ; le lendemain, l’amélioration continuant, il avait pu, sauf rechute, nous répondre à peu près de sa vie.

Combien je bénis l’idée que j’avais eue de recourir à M. Laffitte ! combien je bénis M. Laffitte de m’avoir prêté mille écus ! Au moins, nous étions sûrs d’une chose, c’est que, dans sa maladie, de quelque façon que les choses tournassent, ma mère ne manquerait de rien.