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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/100

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

que ma mère, en sortant de chez M. Deviolaine, et en descendant l’escalier, venait de se trouver mal, et qu’il était impossible de lui faire reprendre connaissance.

M. Deviolaine demeurait au quatrième, dans la maison de Chaulin, le papetier, maison qui fait le coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de Richelieu.

Je me précipitai hors de la scène en envoyant le garçon d’accessoires prévenir le médecin du théâtre, M. Florence, que ma mère avait besoin de ses secours.

En quelques secondes j’étais près d’elle : ma mère était couchée dans un grand fauteuil ; elle avait les yeux ouverts, le regard intelligent, mais elle articulait à peine.

Tout un côté de son corps était insensible et immobile.

Elle était venue faire une visite à madame Deviolaine ; comme d’habitude, elle avait parlé de moi ; comme d’habitude, on lui avait dit que j’étais un malheureux entêté, indigne des bontés que la maison d’Orléans avait eues pour moi ; que ma pièce tomberait et ne produirait pas même les mille écus qu’elle devait à M. Laffitte, et qu’alors je me trouverais sans place et sans avenir.

Ma pauvre mère avait beaucoup pleuré, s’en était allée toute troublée, et, en mettant le pied sur l’escalier, sans rien éprouver qu’un éblouissement, qu’un abandon absolu de ses forces, elle s’était affaissée sur elle-même, les jambes étendues sur les degrés, le corps couché sur le palier.

C’est dans cette situation qu’un locataire l’avait trouvée en montant ; il avait sonné à la porte de M. Deviolaine ; on l’avait portée dans un fauteuil où, d’évanouie qu’elle était d’abord, elle avait repris ce peu de connaissance que je lui voyais.

Je tâtai le pouls de ma pauvre mère ; je soulevai le bras, qui retomba inerte : je le pinçai pour constater son insensibilité, et je demeurai convaincu qu’elle venait d’être frappée d’une attaque d’apoplexie assez grave pour entraîner, au moins, la paralysie du côté gauche.

J’envoyai chercher de la moutarde, et lui mis les pieds dans l’eau bouillante en attendant le médecin.

Puis, comme il tardait, j’envoyai chez le coutelier qui de-