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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/107

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Parce que je suis une fichue bête ! parce que l’émotion m’a flanqué… la colique.

— Ah ! m’écriai-je en riant, c’est donc pour cela que je vous ai vu entrer dans un cabinet ?

— Oui, c’est pour cela, monsieur… Voilà déjà cinquante sous que tu me coûtes ! à deux sous par fois, compte… Tu me feras crever, vois-tu !

— Bah ! vous exagérez ; que diable pouvez-vous faire au bout de vingt-cinq fois ?

— Mais je ne fais rien, bigre de bête ! Aussi, la dernière fois, si je ne m’étais pas arrêté par les cheveux, je me passais par le trou du c… ! Ah ! il était temps !… Bon ! voilà que cela me reprend !

Et M. Deviolaine, les deux mains sur son ventre, se mit à courir vers la rue Saint-Honoré.

Je rentrai au théâtre ; comme je l’avais bien prévu, à partir du quatrième acte jusqu’à la fin, ce ne fut plus un succès, ce fut un délire croissant : toutes les mains applaudissaient, même celles des femmes. Madame Malibran, qui n’avait trouvé de place qu’aux troisièmes, penchée tout entière hors de sa loge, se cramponnait de ses deux mains à une colonne pour ne pas tomber.

Puis, lorsque Firmin reparut pour nommer l’auteur, l’élan fut si unanime, que le duc d’Orléans lui-même écouta debout et découvert le nom de son employé, qu’un succès, sinon des plus mérités, au moins des plus retentissants de l’époque, venait de saluer poëte.

Le soir même, en rentrant chez moi, je trouvai une lettre de M. le baron de Broval.

Je la reproduis textuellement :

» Je ne veux pas me coucher, mon bon jeune ami, sans vous avoir dit combien je me sens heureux de votre beau succès, sans vous avoir félicité de tout mon cœur, et votre excellente mère surtout, pour qui je sais que vous éprouviez plus d’angoisses encore que pour vous-même. Nous les partagions vivement, nos camarades, ma sœur et moi ; et, main-