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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/109

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tant d’elle, sans savoir ce que voulaient dire toutes ces fleurs, et même, peut-être, sans savoir que c’étaient des fleurs.

À-heures de l’après-midi, le lendemain de la représentation, le manuscrit était vendu six mille francs.

Je touchai les six mille francs en six billets de banque ; je montai chez M. Deviolaine, et les lui montrai.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? demanda-t-il.

— C’est le prix du manuscrit, lui répondis-je. Vous voyez que les trois mille francs de M. Laffitte y sont, et trois autres mille francs avec.

— Comment ! s’écria M. Deviolaine, il y a des imbéciles qui t’ont acheté cela ?

— Vous le voyez bien.

— Faut-il que ces b…-là soient bêtes !

Puis, me rendant les billets en haussant les épaules :

— Tu ne me demandes pas seulement comment je me porte ?

— Je n’osais pas… Eh bien ?

— C’est un peu passé, heureusement.

— Avez-vous pu retourner au théâtre ?

— Oui, j’y ai été pour la fin.

— Y étiez-vous quand on m’a nommé ?

— Parbleu !

— Et cela ne vous a pas fait un peu plaisir ?

— Un peu ! c’est-à-dire, animal, que je pleurais comme un veau…

— Allons donc ! on a bien de la peine à vous faire avouer cela… Voyons, embrassez-moi.

— Ah ! dit M. Deviolaine, si ton pauvre père était là !

— Ma mère aurait pu y être, si on ne l’avait pas rendue si malheureuse.

— Allons, bon ! ne vas-tu pas dire que c’est ma faute si ta mère est dans son lit, à présent ? Mille tonnerres ! cela m’a assez tourmenté pendant ta représentation ; je ne pensais qu’à cela ; je crois que c’est cette idée-là qui m’avait flanqué la colique… À propos, que vont-ils dire dans la maison ?

Je lui montrai la lettre de M. de Broval.